Aussi à l'aise en mocassins sur les tapis rouges de l'Upper East Side new yorkais qu'en bottes sur les champs pétroliers du Kurdistan irakien, l'homme d'affaires émirati Badr Jafar n'aime rien tant que vanter ses philanthropies et promouvoir la jeunesse du Moyen-Orient. Mais à l'ombre des flashs des photographes, il fait surtout prospérer un empire tentaculaire dans des secteurs bien plus traditionnels et lucratifs, le pétrole et les terminaux portuaires.

Le natif de Sharjah Badr Jafar, diplômé de la prestigieuse université de Cambridge en 1999, désigné "Young Global Leader" par le Forum économique mondial en 2011 et adoubé par l'ONU où il intervient régulièrement, navigue déjà, à 42 ans, dans les hautes sphères de l'élite internationale. Il est aujourd'hui à la tête de Crescent Petroleum et de Gulftainer, groupes respectivement actifs dans le pétrole et la gestion de terminaux de porte-conteneurs. Appuyé par l'émir de Sharjah Mohammed al-Qasimi, ou encore par son beau-frère et bras droit de Mohamed bin Zayed al-Nahyan, Khaldoon al-Mubarak, Badr Jafar sait s'entourer afin de développer ses affaires.

S'il le fait prospérer, il n'est toutefois pas à l'origine de cet empire qu'il doit à son père, Hamid Jafar, issu d'une famille de la bourgeoisie chiite de Bagdad, longtemps proche du régime de Saddam Hussein. Hamid Jafar a commencé à bâtir cette success story dans les années 1970 par la fondation de Crescent Petroleum puis de Gulftainer. La conservation de liens étroits avec les autorités irakiennes - entretenus d'abord par le père d'Hamid Jafar, Dhia Jafar, puis son frère Jafar Dhia Jafar, père du nucléaire irakien - a ainsi permis une expansion des activités, désormais perpétuées par Badr Jafar ainsi que son frère, Majid Jafar et sa sœur, Razan Jafar.

Non content de développer son héritage familial, notamment grâce à l'appui de fidèles hommes d'affaires à l'image de Peter Richards ou de Ravi Kumar, Badr Jafar s'insère également dans un paysage globalisé au sein duquel il tient à conduire une "diplomatie entrepreneuriale" afin de faire éclore un nouveau paysage d'affaires du Golfe. Créée en 2010, la fondation de la Pearl Initiative, où œuvre le vice-président du conseil de la Choura de Bahreïn Jamal Fakhro, répond ainsi de cette volonté de promouvoir le secteur privé en lui adjoignant la collaboration d'hommes d'affaires, de responsables politiques et d'institutions étatiques et internationales. Badr Jafar est d'ailleurs proche des sphères politiques de l'émirat de Sharjah, bénéficiant du soutien de l'émir Sultan Muhammad al-Qasimi ou encore du président de la chambre de commerce Adbullah Sultan al-Owais.

Dépassant les frontières émiraties, Badr Jafar promeut d'autres initiatives aussi bien à New York, où se trouve le siège de l'organisation Endeavor UAE qu'il préside ou encore à Gaza, où il officie au sein du conseil d'administration de Gaza Sky Geeks, un projet destiné à encourager l'économie digitale palestinienne. De même, Badr Jafar est investi dans de multiples activités philanthropiques, ayant notamment fondé à l'été 2020 le Center for Strategic Philanthropy sous l'auspice de la Cambridge Judge Business School, l'école de commerce de l'université de Cambridge, où il siège au conseil consultatif. L'éclectisme de son réseau et de ses intérêts l'a ainsi mené à développer des amitiés avec Bill Gates ou encore l'acteur renversé par la vague MeToo Kevin Spacey, tout en s'investissant dans la production de films - le long-métrage palestinien Le chanteur de Gaza, en 2015, par exemple - ou encore en fondant en 2015 la Middle-East Theatre Academy (META). Certains vont même jusqu'à lui prêter des relations avec des stars hollywoodiennes, à l'image de Naomi Campbell en 2006 ou du mannequin tchèque Petra Nemcova en 2008.