L'Événement | Chine, France, Israël
Un chercheur soupçonné par les services de liens avec l'armée chinoise refoulé des Arts et métiers
Sa demande de visa rejetée, un enseignant-chercheur chinois recruté par l'École nationale supérieure d'arts et métiers à Paris ne pourra pas y enseigner. Une note blanche des services de renseignement faisant état de ses liens avec la recherche militaire de la Chine a conduit la justice administrative à confirmer le refus.
Un feu rouge a été opposé à un enseignant-chercheur chinois qui devait rejoindre l'École nationale supérieure d'arts et métiers (ENSAM) de Paris en tant que maître de conférences pour y dispenser des cours et poursuivre ses recherches dans un laboratoire avec une zone à régime restrictif (ZRR) : alors qu'il était employé en Israël, il a déposé avant l'été une demande de visa de long séjour de type "passeport talent", dont peuvent bénéficier les chercheurs, auprès du consulat général de France à Jérusalem.
Or, le visa lui a été refusé le 5 juin. S'il a saisi la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (CRRV), basée à Nantes et dont la réponse n'est pas encore connue, il a aussi demandé fin juillet au juge des référés du tribunal administratif de Nantes d'ordonner la suspension de la décision du consulat et d'enjoindre les autorités françaises de lui délivrer le visa sollicité.
Risque pour les intérêts français
L'audience qui s'est tenue courant août a mis en avant une note blanche des services de renseignement motivant le rejet de demande de ce visa. Elle insiste sur les liens de l'enseignant-chercheur avec deux universités et un professeur chinois qui exerce au profit de la recherche militaire de Pékin, "le requérant travaillant dans un secteur dont les débouchés civils et militaires présentent un risque pour les intérêts nationaux [français]".
La note pointe en particulier la Northwestern Polytechnical University (NPU, IO du 29/09/23) basée à Xi'an, un "établissement dédié à la recherche en armement" où l'enseignant-chercheur a accompli une partie de ses études. Elle relève aussi sa collaboration et ses publications avec un chercheur chinois "dont l'université de rattachement coopère activement avec l'Armée populaire de libération (APL)", ciblant en l'occurrence le département de mécanique de la Huazhong University of Science and Technology (HUST, IO du 10/06/21), à Wuhan.
L'enjeu du laboratoire avec zone à régime restrictif
De son côté, l'avocate de l'enseignant-chercheur et de l'ENSAM, Me Alice Benveniste, a rappelé au tribunal que ce dernier, "qui risque de perdre le bénéfice de son arrêté de nomination en tant que maître de conférences" au sein de la grande école d'ingénieurs, avait obtenu en février un avis favorable du directeur et du fonctionnaire de sécurité et de défense (FSD) de l'ENSAM afin de pouvoir accéder à la zone protégée du laboratoire où il devait poursuivre ses recherches. L'avocate rappelle également que son client, qui disposait déjà d'un visa, avait pu le faire renouveler avec succès.
Le représentant du ministère de l'intérieur a quelque peu tempéré cet avis favorable mis en avant : il a indiqué aux magistrats que celui-ci était "restrictif" puisqu'il soulignait que "toute collaboration formelle ou individuelle" de l'enseignant-chercheur avec la Chine ou avec un chercheur chinois "devait être surveillée". Il s'est aussi étonné que le requérant puisse y avoir eu accès, et a déclaré que le ministère avait rendu, à ce sujet, un avis négatif…
Le tribunal administratif a finalement rejeté la requête de l'enseignant-chercheur. Une décision rendue le 21 août, précisant qu'aucun des moyens soulevés par ce dernier n'était de nature "à faire naître un doute sérieux quant à la légalité" du refus de visa.
Ni Me Alice Benveniste, ni l'ENSAM n'ont souhaité répondre aux sollicitations d'Intelligence Online.
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